OTTline

OTTline

Mauvaise Passe (3)

Le matin c’est toujours dur. Il est 15h30, le lit est trop grand et trop vide et le soleil trop présent. Je garde les yeux fermés le plus longtemps possible. Parfois on peut prolonger la nuit. On peut faire comme si le jour n’existait pas. C’est tout ce qu’il me reste, la nuit. La nuit, tout est clair. On boit, on drague, on aime, on baise, on n’aime plus. Puis on s’ignore pour le reste de la vie : la nuit est un mensonge où tout est vrai. Quand on a compris ça, le jour devient un ennemi éternel. Il a irrémédiablement l’allure d’un lendemain d’apocalypse. Alors je reste dans mon lit les yeux fermés. Je rêve encore des femmes que j’ai connues. Je m’astique. Je revis ma première fois, je rejoue l’histoire. Un branleur, au fond, est un scénariste. Il écrit et réécrit un film où ses femmes s’entremêlent. Il commence dans la bouche de Géraldine et finit sur le visage de Sandra. Il caresse les petits seins de Lucie et macule le cul de Samia. En bon réalisateur, je vais à l’essentiel, je synthétise. Je garde les bonnes lumières, les bonnes situations. Chacune joue la partition où elle a excellé. Le film est différent à chaque fois. Les bifurcations ne sont pas les mêmes. Floriane vient remplacer Hélène. On commence par Laura plutôt que par Angèle. On déplace les femmes. L’imagination du masturbateur prouve que le sexe ne souffre pas la routine.

J’éjacule tous les matins ma semence à celles qui ne sont plus là. Puis j’ouvre les yeux.

 

 

Mes journées se ressemblent toutes. D’abord se lever. Prendre une douche pour laver la nuit. Mettre ses habits de jour. Remercier parfois celle qui viendra jouer les films des prochains réveils. S’excuser toujours d’avoir été un peu trop violent. Prétexter l’alcool. Elle ne me déteste pas, mais ne reviendra surement jamais. S’assoir devant l’ordinateur, page word ouverte, page beaucoup trop blanche. Blanche à vous faire plisser les yeux. Cette foutue page que je n’arrive à noircir que les soirs de déprime, quand Radiohead et le vin fluidifient ma prose. Le reste du temps, je végète. Je consulte vaguement quelques offres d’emploi, prenant en note des noms d’entreprise que je ne contacterai jamais. Je me prends trop pour un écrivain pour chercher du travail, pas assez pour écrire vraiment. Je sais bien que rien ne sortira de tout ça. Je me souviens aussi que j’ai eu de l’ambition. Un jour. Il n’y a pas si longtemps. Une éternité.

 

Tu as à peine quelques jours pour mettre de l’ordre dans tout ça. Alexandra est chez sa mère. Mais Alexandra a un travail,  Alexandra a une vie. Elle va revenir vite, et elle aura besoin de toi. Tu te souviens de la dernière fois que quelqu’un a eu besoin de toi ? Tu te souviens de la dernière fois où tu as existé pour quelqu’un d’autre que pour toi ? Alors tu vas te préparer. Tu vas faire en sorte de l’aider, qu’elle oublie Simon assez vite pour ne pas avoir trop de séquelles. Tu vas essayer de prouver que tu es encore capable de quelque chose. Si tu y arrives tu seras fier de toi. Ce serait un bon début pour toi, être fier de soi. 



16/12/2012
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